lundi 26 novembre 2012

Semaine 47 de l'an 2012 - Destinataire: Mon petit ange




Il y a un an, jour pour jour, je te laissais quitter mon corps pour rejoindre un autre monde. 


Aujourd'hui, je peux me souvenir avec exactitude de ces murs froids, de cet infirmier qui m'a accompagné pendant toute la journée. De son sourire, de ces gestes et de sa tendresse à mon égard. Je ne pourrais jamais oublier ses bouclettes blondes et ses quelques paroles réconfortantes et justes. Je peux aussi me souvenir de ces rendez-vous à la chaine: psychologue, psychiatre, assistante sociale, médecin, obstétricien, gynécologue... Je ne me souviens pas d'eux en tant que personne, mais souvent de leurs mots. Car ce sont leurs mots qui sont parfois violents. Ils disent des choses inconsciemment mais qui nous restent en tête pour une durée infinie. Je les déteste!!! Il y a eu: "Alors ça fait quoi d'avoir quelque chose de mort en soi?", "Vous allez enfin pouvoir l'expulser de votre vie", "Une pilule, quelques contractions, une aide par l'aspiration et se sera finit", "En fait, c'est vous qui l'avez tué: vous êtes donc une sorte de meurtrière à petite échelle". Vive la connerie humaine! Ils ont eu leur diplôme dans un coffret surprise ou quoi!!! Puis il y avait tous ces étudiants qui lisaient mon dossier et participaient à ma prise en charge vu que mon cas était classé comme "rare". Mon ange, tu as du entendre tout ce qu'ils ont pu dire mais heureusement que l'infirmier était là. Car dans la solitude qui m’entourait à ce moment là, il a su me réconforter. 


Quand j'y pense, mon ange, je n'aurais pas du vivre ça seule. Ton père aurait du m'accompagner mais il était trop préoccupé avec sa nouvelle compagne pour se soucier de toi. D'ailleurs, tu aurais été vivant il aurait tout fait pour que tu ne fasses jamais parti de sa vie. Comme son père l'a fait pour lui. Il suit en quelques sortes ses traces! En écrivant ces quelques mots, je me dis de plus en plus qu'en me quittant il m'a protégé de sa propre connerie. C'est d'ailleurs sans doute ce qu'il a fait de mieux dans sa vie. 


Aujourd'hui, je sais que c'est psychosomatique, mais j'ai des douleurs dans le bas-ventre. Comme si je devais revivre ce moment de torture psychique et physique. Je peux encore ressentir la douleur et le vide. Je peux encore ressentir la chaleur du sang quand il s'écoulait de moi. Je peux encore ressentir les contractions. Je peux encore ressentir la honte. Je peux encore ressentir toutes les émotions que j'ai éprouvé ce jour là. Ce jour où tu as quitté mon corps. Je suis rentrée de l'hôpital comme si de rien était. J'étais shootée par les médicaments et j'ai tout de suite remis mon masque pour que mes amis proches ne sachent pas ce que je pouvais réellement ressentir. Ils ont passé la soirée avec moi, ils ont rit, parlé, mangé... Ils sentaient que ça n'allait pas mais il n'ont rien pu faire pour moi. J'étais plus près de toi mon ange que d'eux ce soir là. J'avais vraiment l'esprit ailleurs et j'ai préféré ne pas craquer ce soir là. Pas devant eux. Je devais être forte. Mais en fait, il me manquait quelque chose. Et cette chose je ne l'ai pas encore discerné. 


Dire que pendant 15 semaines, je t'abritais mon ange et que je ne m'en suis jamais aperçue. Tu n'étais pas dans ma tête, ni dans mon cœur, alors il me semblait impossible que tu sois dans mon corps. Comment n'ai-je pu m'apercevoir de ta présence? Je n'ai pas senti tes mouvements. Je n'ai pas senti les perturbations hormonales que tu as du induire... Je ne me sens pas femme à part entière. J'ai l'impression d'avoir loupé un passage de ma vie. Je n'ai pas été suffisamment bonne pour que tu continues de grandir... En fait, tu n'as tout simplement pas survécu à ma peine. Une trop grande émotion t'a déstabilisé et tu m'as quitté. Je peux dire, dans un sens que tu tenais ça de moi. Les émotions n'étaient pas ton fort mais tu sais elles font parties de nous et ceux qui refusent de les ressentir perdent un peu de leur âme chaque jour. Seulement, depuis un an, j'ai tenté de mettre toutes les miennes de côté. Ne plus rien ressentir, c'est ne pas prendre le risque de souffrir non plus... Seulement, cet été je me suis ré-ouverte à ce que pouvait être "ressentir quelque chose", puis ça c'est finit. J'ai encore souffert, alors j'ai refermé mon cœur encore un fois...  Ne t'inquiète pas mon ange, ça n'a rien à voir avec toi. En fait, ce sont mes émotions qui t'ont obligé à quitter la vie que tu commençais. C'est moi la seule fautive, s'il doit y en avoir une. 


Quand tu as quitté mon corps, j'ai senti qu'une partie de moi-même m'était arraché à tout jamais. J'ai alors compris que je n'étais pas seule avant mais qu'à ce moment-là, je le devenais. Tu a choisi à ma place. Tu as choisi de ne pas rester en moi pour continuer de vivre. Est-ce là le seul message que j'ai pu te faire passer? Préférer la mort à la vie? Je sais que je ne suis pas le meilleur exemple en ce qui concerne ce petit jeu entre les deux. Que par le passé j'ai aimé cela. Aujourd'hui et l'an passé, j'espérais en avoir finit avec cette torture, cette addiction. Mais mine de rien, elle est encore là. Elle ne laisse peut-être plus de trace sur mon corps mais elle en laisse autre part. Et aujourd'hui, je lutte contre mes envies. Je pense que tu ressentais tout cela et que dans la balance de la vie et de la mort, tu as pris parti pour l'un. Tu m'as laissé seule face à ton choix. Toi aussi tu as préféré m'abandonner... 
  
En faisant ce choix, tu as laissé un vide profond en moi. Un vide que peu de personnes connaissent, un vide qui fait peur. J'ai l'impression de ne plus bien me connaître aujourd'hui tellement j'ai perdu de moi ce jour là. Ce vide j'ai tenté de le remplir par tant de chose tellement il me fait peur. J'ai commencé à le remplir par de la colère contre ton père puis contre moi-même. Ensuite, je me suis concentrée uniquement sur mes études, emplir ma tête m'évitait de penser. Jusqu'à ce que l'échec fut dure à admettre. Alors cet été fut l'un des plus dur mon ange! J'ai rencontré quelqu'un. Quelqu'un de bien dans le fond. Mais qui sait bien trop jouer avec les mots sans se rendre compte des émotions que chacun de ceux qui sortent de sa bouche peuvent provoquer aussi. Alors j'ai rempli ton vide par sa présence. Il n'était rien de plus je crois. Il a seulement été là au mauvais moment alors qu'il mérite tellement mieux. Il m'a redonné la confiance que j'avais perdu. Il m'a redonné le sourire. Mais tu me connais mon ange, il n'y a que moi qui gâche ces moments-là. Et ce samedi soir c'était le soir où le vide, les angoisses et la peur sont revenus. C'en était trop pour moi! Si j'avais été seule je crois que j'aurais craqué, mais il était là. Pas comme il aurait aimé, mais il a joué un rôle contre ce vide. 

Seulement, maintenant, je suis seule, seule et le vide continue de m'envahir, de transpercer la moindre parcelle de mon âme. Et je réalise qu'en fait, ce vide est là peut-être simplement car je n'ai pas su en tirer ce qu'il y avait de meilleur dans ce que j'ai pu vivre. Certes tu n'es pas là, auprès de moi, mais tu as participé à ma vie. Comme toutes les personnes que je croise et dont je sais tirer des leçons, tu as croisé un bout de ma vie mon ange. Et il faut que tu deviennes un élément de plus dans ce qui peut faire ma force. Il y a des jours comme celui-ci où je suis faible. Vraiment faible. Mais il faut que je te laisse ouvrir tes ailes, que je te laisse partir pour peut-être réussir ce qu'on appelle "ton deuil".  Un an a passé, une année s'est écoulée et il faut que j'arrive à te laisser sourire. Pour cela, il faut que je sourisse à mon tour. En effet, je t'ai écrit un poème à l'époque où tu aurais dû naître. Et je pense que je vais finir cette lettre en te l'écrivant à nouveau car c'est comme cela qu'il faut que je te vois mon ange. 




Il y aura toujours une partie de toi…



Ce n’est pas toujours une évidence
De garder une chose sous silence
Pour ne pas que soit détruite une innocence
Pour protéger d’une perte, d’une absence.

Ce poème est pour toi mon ange,
Tu aurais dû naître en mai 2012, étrange ?
Tu n’étais pas désiré et qu’est-ce que ça change ?
Car aujourd’hui tout me dérange…

En effet, le fait d’avoir provoqué ta mort,
Ou plutôt que je n’ai pas su être le trésor
Favorable à ta vie, pour que tu sois assez fort,
Me montre que l’amour reste insurmontable, encore.

J’ai perdu gros à l’automne
Je t’ai perdu toi, petit d’homme
Mais aussi celui qui était mon homme
En me faisant prendre pour une conne.

Tu sais il vaut mieux que tu ne sois pas né
A deux mois d’être diplômée
Quelle mère aurais-je été ?
Toute ma vie aurait changé.

Tu n’aurais pas connu ton papa
Qui, de sa grande lâcheté me trompa puis me quitta
Quelques temps avant que je perde ce sang
Quelques temps avant que je te perde toi.

Ton père joue encore à la guerre avec des figurines
Mais finalement c’est ta mère qu’il a laissé en ruines
Pour reconstruire avec sa meilleure amie un foyer de bruine
Me laissant soigner mes blessures sans un signe.

Je ne savais pas que j’abritais un enfant.
Même protégée les surprises ont lieu apparemment.
Saches que même si tu n’es pas vivant
Tu auras une place dans mon être pensant.

Je n’ai pas été suffisamment bonne pour te donner la vie
Je ne suis plus celle que j’étais avec ton père : triste à mourir
De toutes ces blessures, de toute cette mésaventure, j’ai appris
J’ai compris que la vie se poursuit et que le seul remède est de sourire.

Alors mon ange, saches que dans chacun de mes sourires,
Dans chacune de mes larmes de joie
Dans chacun de mes fous rires
Il y aura toujours une partie de toi…


  
C'est ainsi que j'aimerais me souvenir de toi. Même si je ne t'ai jamais senti, même si je ne t'ai jamais vu, même si je n'ai pas su être mère, tu feras parti de ma vie mon ange. Et saches que peu importe tout cela, tu as aussi une place dans mon cœur. Je n'ai jamais pu te serrer dans mes bras, ni entendre tes pleurs, ni te consoler mais saches que tu resteras dans ma mémoire, car en faisant ce choix, tu m'as fait comprendre cela: la mort est surmontable uniquement si l'être continue de vivre dans le cœur de quelqu'un! Alors vis mon ange. Vis à travers mes sourires, mes fous rire, mes petits moments de bonheur... Vis et déploies tes ailes, je te laisse libre de le faire à présent... Au revoir mon ange. 

Fécamp - Novembre 2012. Parce que tu es présent dans chaque moment de ma vie, dans chaque rayon de soleil aussi éphémère soit-il...
Mam'z'aile Oménie. 

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