mercredi 28 novembre 2012

Semaine 48 de l'an 2012 - Destinataire: 45 rue Marc Antoine Briller.

Musique de la semaine à écouter pendant la lecture: J'ai laissé de Christophe Maé.

Cher 45 rue Marc Antoine Briller, 

Tu as été bien plus qu'une adresse pour moi. Plus qu'une simple adresse aussi pour ma mère. C'est parfois difficile de quitter un endroit qu'on a investit pendant plus de 10 ans. Je le conçois. Mais ma mère et moi ne te quittons pas de la même façon. 

En effet, ce weekend, maman déménage pas très loin mais elle quitte le cocon sécure que tu as pu lui offrir pendant tant d'années. Elle y a logé ses souvenirs mais aussi sa reconstruction personnelle. Je pense que c'est réellement difficile de te quitter car elle ne l'avait pas envisagé tout de suite. C'était un projet au long terme mais pas maintenant. Elle ne s'était pas préparée psychologiquement. Et c'est sans doute ce qui la met dans cet état depuis quelques temps. 

Derrière ton étage et tes volets en bois, tu cachais en réalité un petit duplex très sympathique mais bien sombre il faut l'avouer. Tu as été tout de même l'air nouveau qu'on attendait maman et moi avant de te connaître. Mais reconnaissons-le, tu n'es que des murs! Comment une personne peut-elle s'attacher à toi réellement? Je crois en fait, qu'on ne s'attache pas à une maison, à un lieu mais plus aux souvenirs qu'il peut renfermer. Tu le sais mieux que quiconque, j'y ai vécu ma préadolescence et mon adolescence complète. Ensuite je t'ai quitté sommairement à l'âge de 18 ans pour tenter de construire un autre cocon. Il était trop tôt je crois. Mais cela fait plus d'un an maintenant que je me suis confectionnée mon petit nid douillet. C'est sans doute pour cela, qu'aujourd'hui il est plus facile pour moi de te quitter. Il est plus facile pour moi de me séparer de ces objets qui n'ont aucune valeur pécuniaire mais qui en ont une sentimentale, car j'ai compris que les souvenirs qu'on a dans la tête ont un prix bien plus élevés que n'importe lequel de ces trucs, de ces machins, de ces choses... 

Des souvenirs avec toi j'en ai énormément. J'en ai des bons et des moins bons. Et je pense que c'est pareil pour ma petite maman. Seulement tu as su être l'élément où ma maman s'est sentie en sécurité. Ce lieu qui faisait qu'elle était chez elle. Cet endroit magique, où rien ne pouvait lui arriver. Tu étais comme je l'ai dit précédemment, le symbole d'une reconstruction personnelle. Tu as su lui apporter la chaleur et le réconfort d'un lieu quand elle en avait besoin. Tu as su abriter aussi ses doutes, ses peurs, ses réflexions et ses coups de mou. Tu as su être le confident dont elle n'avait pas conscience. Je comprends que c'est difficile de te quitter. Car c'est à nouveau tourner une page. Et je sais combien tourner une page est coûteux en énergie surtout quand le coup arrive lorsqu'on ne s'y attend pas. 

Alors j'aimerais que tu saches, que même si on habitera plus en ton antre, on ne t'oubliera pas car tu fais parti de nos souvenirs. Mais il est essentiel que maman arrive à te quitter pour faire de "son nouveau chez elle", une nouvelle adresse, un nouveau cocon. Je sais que ça ne va pas être facile mais il va falloir qu'elle se sente bien dans ce nouvel appartement. Je vais tenter de l'aider dans cette direction. C'est d'ailleurs ce que je tente de faire depuis quelques semaines déjà. Mais c'est compliqué de faire entendre quelque chose à une personne qui n'est pas apte à vous écouter, qui est pris dans son tourment de soucis. Alors en essayant d'alléger ses peines, j'arriverais peut-être à lui faire comprendre qu'elle sera heureuse autre part qu'en toi, 45 rue Marc Antoine Briller. 

C'est sans doute très idiot d'écrire une lettre à une adresse. Pas à une personne, non, à une adresse. Mais j'en ressentais le besoin fou. J'avais besoin de te dire, que les mots ne s'adressent pas forcément à un être de chair et d'os. Mais ils peuvent bien s'adresser à des murs de béton. J'aimerais que maman comprenne enfin, qu'au delà d'une simple habitation tu as été son point de repère mais qu'elle en trouvera un autre. Comme d'autres personnes, c'est une déracinée. On l'a enlevé de son île et c'est dur pour elle de trouver à nouveau un endroit à elle. Cependant, la vie a suivi son cours, les galères, les embuches, les petits moments de douceur et de bonheur, la famille... Tout a suivi son chemin... Alors je pense que pour l'aider, c'est à toi maintenant de la laisser partir sereinement vers sa nouvelle maison, son nouveau lieu de réconfort. L'endroit où le bonheur l'attend... 

Tu pourras l'imaginer là-bas, mais tu ne dois pas la retenir alors laisse-la. Laisse-la partir et garder ses souvenirs. "Au fond, je crois que la Terre est ronde, Pour une seule bonne raison, Après avoir fait le tour du monde, Tout ce qu'on veut c'est être à la maison" Dixit Orelsan. Alors s'il te plait 45 rue Marc Antoine Briller, tu as été le point d'attache de ma maman mais il est temps de rompre ce lien pour qu'elle puisse aller dans sa nouvelle maison... 
Dans un autre endroit qui m'a laissé partir... Prends exemple! Mai 2009.

Je laisserais donc tes volets fermés pour que d'autres personnes puissent les ouvrir et s'approprier ce lieu comme nous avons pu le faire... Merci 45 rue Marc Antoine Briller, de nous avoir apporter toutes ces jolies choses... 

Fermeture des volets... Noir! 

Mam'z'aile Oménie.

Paroles trouvées ici : http://www.parolesdeclip.fr/la-terre-est-ronde-orelsan.html
Au fond, je crois que la Terre est ronde
Pour une seule bonne raison
Après avoir fait le tour du monde
Tout ce qu'on veut c'est être à la maison

Paroles trouvées ici : http://www.parolesdeclip.fr/la-terre-est-ronde-orelsan.html

lundi 26 novembre 2012

Semaine 47 de l'an 2012 - Destinataire: Mon petit ange




Il y a un an, jour pour jour, je te laissais quitter mon corps pour rejoindre un autre monde. 


Aujourd'hui, je peux me souvenir avec exactitude de ces murs froids, de cet infirmier qui m'a accompagné pendant toute la journée. De son sourire, de ces gestes et de sa tendresse à mon égard. Je ne pourrais jamais oublier ses bouclettes blondes et ses quelques paroles réconfortantes et justes. Je peux aussi me souvenir de ces rendez-vous à la chaine: psychologue, psychiatre, assistante sociale, médecin, obstétricien, gynécologue... Je ne me souviens pas d'eux en tant que personne, mais souvent de leurs mots. Car ce sont leurs mots qui sont parfois violents. Ils disent des choses inconsciemment mais qui nous restent en tête pour une durée infinie. Je les déteste!!! Il y a eu: "Alors ça fait quoi d'avoir quelque chose de mort en soi?", "Vous allez enfin pouvoir l'expulser de votre vie", "Une pilule, quelques contractions, une aide par l'aspiration et se sera finit", "En fait, c'est vous qui l'avez tué: vous êtes donc une sorte de meurtrière à petite échelle". Vive la connerie humaine! Ils ont eu leur diplôme dans un coffret surprise ou quoi!!! Puis il y avait tous ces étudiants qui lisaient mon dossier et participaient à ma prise en charge vu que mon cas était classé comme "rare". Mon ange, tu as du entendre tout ce qu'ils ont pu dire mais heureusement que l'infirmier était là. Car dans la solitude qui m’entourait à ce moment là, il a su me réconforter. 


Quand j'y pense, mon ange, je n'aurais pas du vivre ça seule. Ton père aurait du m'accompagner mais il était trop préoccupé avec sa nouvelle compagne pour se soucier de toi. D'ailleurs, tu aurais été vivant il aurait tout fait pour que tu ne fasses jamais parti de sa vie. Comme son père l'a fait pour lui. Il suit en quelques sortes ses traces! En écrivant ces quelques mots, je me dis de plus en plus qu'en me quittant il m'a protégé de sa propre connerie. C'est d'ailleurs sans doute ce qu'il a fait de mieux dans sa vie. 


Aujourd'hui, je sais que c'est psychosomatique, mais j'ai des douleurs dans le bas-ventre. Comme si je devais revivre ce moment de torture psychique et physique. Je peux encore ressentir la douleur et le vide. Je peux encore ressentir la chaleur du sang quand il s'écoulait de moi. Je peux encore ressentir les contractions. Je peux encore ressentir la honte. Je peux encore ressentir toutes les émotions que j'ai éprouvé ce jour là. Ce jour où tu as quitté mon corps. Je suis rentrée de l'hôpital comme si de rien était. J'étais shootée par les médicaments et j'ai tout de suite remis mon masque pour que mes amis proches ne sachent pas ce que je pouvais réellement ressentir. Ils ont passé la soirée avec moi, ils ont rit, parlé, mangé... Ils sentaient que ça n'allait pas mais il n'ont rien pu faire pour moi. J'étais plus près de toi mon ange que d'eux ce soir là. J'avais vraiment l'esprit ailleurs et j'ai préféré ne pas craquer ce soir là. Pas devant eux. Je devais être forte. Mais en fait, il me manquait quelque chose. Et cette chose je ne l'ai pas encore discerné. 


Dire que pendant 15 semaines, je t'abritais mon ange et que je ne m'en suis jamais aperçue. Tu n'étais pas dans ma tête, ni dans mon cœur, alors il me semblait impossible que tu sois dans mon corps. Comment n'ai-je pu m'apercevoir de ta présence? Je n'ai pas senti tes mouvements. Je n'ai pas senti les perturbations hormonales que tu as du induire... Je ne me sens pas femme à part entière. J'ai l'impression d'avoir loupé un passage de ma vie. Je n'ai pas été suffisamment bonne pour que tu continues de grandir... En fait, tu n'as tout simplement pas survécu à ma peine. Une trop grande émotion t'a déstabilisé et tu m'as quitté. Je peux dire, dans un sens que tu tenais ça de moi. Les émotions n'étaient pas ton fort mais tu sais elles font parties de nous et ceux qui refusent de les ressentir perdent un peu de leur âme chaque jour. Seulement, depuis un an, j'ai tenté de mettre toutes les miennes de côté. Ne plus rien ressentir, c'est ne pas prendre le risque de souffrir non plus... Seulement, cet été je me suis ré-ouverte à ce que pouvait être "ressentir quelque chose", puis ça c'est finit. J'ai encore souffert, alors j'ai refermé mon cœur encore un fois...  Ne t'inquiète pas mon ange, ça n'a rien à voir avec toi. En fait, ce sont mes émotions qui t'ont obligé à quitter la vie que tu commençais. C'est moi la seule fautive, s'il doit y en avoir une. 


Quand tu as quitté mon corps, j'ai senti qu'une partie de moi-même m'était arraché à tout jamais. J'ai alors compris que je n'étais pas seule avant mais qu'à ce moment-là, je le devenais. Tu a choisi à ma place. Tu as choisi de ne pas rester en moi pour continuer de vivre. Est-ce là le seul message que j'ai pu te faire passer? Préférer la mort à la vie? Je sais que je ne suis pas le meilleur exemple en ce qui concerne ce petit jeu entre les deux. Que par le passé j'ai aimé cela. Aujourd'hui et l'an passé, j'espérais en avoir finit avec cette torture, cette addiction. Mais mine de rien, elle est encore là. Elle ne laisse peut-être plus de trace sur mon corps mais elle en laisse autre part. Et aujourd'hui, je lutte contre mes envies. Je pense que tu ressentais tout cela et que dans la balance de la vie et de la mort, tu as pris parti pour l'un. Tu m'as laissé seule face à ton choix. Toi aussi tu as préféré m'abandonner... 
  
En faisant ce choix, tu as laissé un vide profond en moi. Un vide que peu de personnes connaissent, un vide qui fait peur. J'ai l'impression de ne plus bien me connaître aujourd'hui tellement j'ai perdu de moi ce jour là. Ce vide j'ai tenté de le remplir par tant de chose tellement il me fait peur. J'ai commencé à le remplir par de la colère contre ton père puis contre moi-même. Ensuite, je me suis concentrée uniquement sur mes études, emplir ma tête m'évitait de penser. Jusqu'à ce que l'échec fut dure à admettre. Alors cet été fut l'un des plus dur mon ange! J'ai rencontré quelqu'un. Quelqu'un de bien dans le fond. Mais qui sait bien trop jouer avec les mots sans se rendre compte des émotions que chacun de ceux qui sortent de sa bouche peuvent provoquer aussi. Alors j'ai rempli ton vide par sa présence. Il n'était rien de plus je crois. Il a seulement été là au mauvais moment alors qu'il mérite tellement mieux. Il m'a redonné la confiance que j'avais perdu. Il m'a redonné le sourire. Mais tu me connais mon ange, il n'y a que moi qui gâche ces moments-là. Et ce samedi soir c'était le soir où le vide, les angoisses et la peur sont revenus. C'en était trop pour moi! Si j'avais été seule je crois que j'aurais craqué, mais il était là. Pas comme il aurait aimé, mais il a joué un rôle contre ce vide. 

Seulement, maintenant, je suis seule, seule et le vide continue de m'envahir, de transpercer la moindre parcelle de mon âme. Et je réalise qu'en fait, ce vide est là peut-être simplement car je n'ai pas su en tirer ce qu'il y avait de meilleur dans ce que j'ai pu vivre. Certes tu n'es pas là, auprès de moi, mais tu as participé à ma vie. Comme toutes les personnes que je croise et dont je sais tirer des leçons, tu as croisé un bout de ma vie mon ange. Et il faut que tu deviennes un élément de plus dans ce qui peut faire ma force. Il y a des jours comme celui-ci où je suis faible. Vraiment faible. Mais il faut que je te laisse ouvrir tes ailes, que je te laisse partir pour peut-être réussir ce qu'on appelle "ton deuil".  Un an a passé, une année s'est écoulée et il faut que j'arrive à te laisser sourire. Pour cela, il faut que je sourisse à mon tour. En effet, je t'ai écrit un poème à l'époque où tu aurais dû naître. Et je pense que je vais finir cette lettre en te l'écrivant à nouveau car c'est comme cela qu'il faut que je te vois mon ange. 




Il y aura toujours une partie de toi…



Ce n’est pas toujours une évidence
De garder une chose sous silence
Pour ne pas que soit détruite une innocence
Pour protéger d’une perte, d’une absence.

Ce poème est pour toi mon ange,
Tu aurais dû naître en mai 2012, étrange ?
Tu n’étais pas désiré et qu’est-ce que ça change ?
Car aujourd’hui tout me dérange…

En effet, le fait d’avoir provoqué ta mort,
Ou plutôt que je n’ai pas su être le trésor
Favorable à ta vie, pour que tu sois assez fort,
Me montre que l’amour reste insurmontable, encore.

J’ai perdu gros à l’automne
Je t’ai perdu toi, petit d’homme
Mais aussi celui qui était mon homme
En me faisant prendre pour une conne.

Tu sais il vaut mieux que tu ne sois pas né
A deux mois d’être diplômée
Quelle mère aurais-je été ?
Toute ma vie aurait changé.

Tu n’aurais pas connu ton papa
Qui, de sa grande lâcheté me trompa puis me quitta
Quelques temps avant que je perde ce sang
Quelques temps avant que je te perde toi.

Ton père joue encore à la guerre avec des figurines
Mais finalement c’est ta mère qu’il a laissé en ruines
Pour reconstruire avec sa meilleure amie un foyer de bruine
Me laissant soigner mes blessures sans un signe.

Je ne savais pas que j’abritais un enfant.
Même protégée les surprises ont lieu apparemment.
Saches que même si tu n’es pas vivant
Tu auras une place dans mon être pensant.

Je n’ai pas été suffisamment bonne pour te donner la vie
Je ne suis plus celle que j’étais avec ton père : triste à mourir
De toutes ces blessures, de toute cette mésaventure, j’ai appris
J’ai compris que la vie se poursuit et que le seul remède est de sourire.

Alors mon ange, saches que dans chacun de mes sourires,
Dans chacune de mes larmes de joie
Dans chacun de mes fous rires
Il y aura toujours une partie de toi…


  
C'est ainsi que j'aimerais me souvenir de toi. Même si je ne t'ai jamais senti, même si je ne t'ai jamais vu, même si je n'ai pas su être mère, tu feras parti de ma vie mon ange. Et saches que peu importe tout cela, tu as aussi une place dans mon cœur. Je n'ai jamais pu te serrer dans mes bras, ni entendre tes pleurs, ni te consoler mais saches que tu resteras dans ma mémoire, car en faisant ce choix, tu m'as fait comprendre cela: la mort est surmontable uniquement si l'être continue de vivre dans le cœur de quelqu'un! Alors vis mon ange. Vis à travers mes sourires, mes fous rire, mes petits moments de bonheur... Vis et déploies tes ailes, je te laisse libre de le faire à présent... Au revoir mon ange. 

Fécamp - Novembre 2012. Parce que tu es présent dans chaque moment de ma vie, dans chaque rayon de soleil aussi éphémère soit-il...
Mam'z'aile Oménie.